Ces ONGs avaient l’autorité de parler et
elles l’ont fait. Human Rights Watch (New York-Washington), LDGL (Ligue des
droits de l’homme dans la région des Grands Lacs, Kigali), FIDH (Fédération
internationale des droits de l’homme, Paris), OMCT (Organisation Mondiale
contre la torture, Genève), Novib (Amsterdam), CNCD (Centre national pour la
coopération au développement Bruxelles) et son pendant flamand, le NCOS
(Nationaal centrum voor Ontwikkelingssamenwerking) ont tout vu, tout compris et
tout dit, en quelque sorte, au lendemain d’une enquête de terrain diligentée au
Burundi quelques mois après le putsch d’octobre 1993.
Ils ont par la suite publié un rapport le
5 juillet 1995, simultanément dans chacune des capitales citées plus haut.
Comme je venais de prendre mes fonctions à
notre ambassade de Bruxelles, cette publication m’intéressait avec d’autant
plus de vigueur que j’avais contribué, par mes idées et mes contacts, à la
préparation ainsi qu’à la réalisation sur le terrain de cette enquête.
La vérité victime de la peur
Dans le cadre des visites de courtoisie
que je rendais à mes amis ou aux hommes clés de la capitale européenne, je me
suis entretenu avec une vieille connaissance, qui était surtout un éminent
membre du Groupe des enquêteurs internationaux qui venaient de publier le
rapport dont je parle. J’ai demandé à mon ami pourquoi les enquêteurs avaient
tenu à citer nommément tous les plus grands présumés responsables du putsch du
21 octobre 1993, mais en omettant de mentionner le présumé responsable Numéro
un. J’ai nommé le Major Pierre Buyoya. J’en parle plus ouvertement dans ma déclaration
aux Nations Unies à Genève le 16 juin 2011, à la session du Conseil des Droits
de l’Homme. Le document est immortalise sur youtube.com : http://www.youtube.com/watch?v=zkTghLRuWC0.
Mon ami m’a répondu, avec beaucoup de spontanéité très académique en me déclarant : «Nous avons eu peur ».
Auparavant, un autre ami, qui avait lui
aussi pris part à l’enquête et à la rédaction du rapport final m’avait expliqué
pourquoi les avaient dû se contenter seulement de publier le rapport sans
pouvoir aller plus loin plus tard. Ils avaient dû voir en avant première les
plus hautes autorités burundaises à qui le résultat de l’enquête avait été
soumis,
Votre Président, me disait-il (nous sommes
au premier semestre 1995 !) nous a fait comprendre que les conclusions de ce
rapport n’engageaient que nous-mêmes, nous les auteurs, en sous-entendant qu’il
ne serait pas suivi d’effet de la part du Chef de l’Etat. Plus tard encore, je
suis allé poser la question au chef de ce qui était encore le Centre des Droits
de l’homme devenu l’actuel Haut Commissariat des Nations Unies après le sommet
mondial de Vienne. Ce haut responsable onusien m’a lui aussi dit : nous,
en tant que Nations Unies, nous ne pouvons rien faire tant que les autorités
gouvernementales du pays concerné ne nous demandent rien.
D’où le silence de plomb que l’on a vu,
jusqu’au jour ou des pays comme le Canada décident quand même de réagir à leur
manière. Ottawa a refusé le visa à l’ex-Major Président, malgré la protection
dont il jouit dans certaines organisations multilatérales, par exemple à Paris
ou à Addis-Abeba.[1]
Faites maintenant un tour d’horizon dans certaines
organisations multilatérales et comptez le nombre de Buyoyistes notoires qui s’y
trouvent… Vous me direz.
Je reviens maintenant à Busokoza
A la page 27 de même rapport, on retrouve la
liste des 4 civils de la Direction nationale de l’Uprona qui ont été consultés
et qui sont connus dans la crise que nous traversons après le 21 octobre 1993.
Parmi eux des hommes de la vieille garde :
Charles Mukasi, Libère Bararunyeretse, Jean Baptiste Manwangari et Alphonse
Kadege. Faites alors vos analyses, vos rapprochements par rapport aux
événements actuels et passés, et vous verrez que ceci explique cela.
Le réquisitoire du Procureur général s’exprimant
dans le cadre du procès aujourd’hui en souffrance à la Cour Suprême et différents
documents exclusifs accompagnant ce réquisitoire en disent encore plus.
BIRACAZA (A suivre).
[1] Je veux parler notamment de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) auprès de laquelle
il briguerait d’ailleurs le poste de Secrétaire général en remplacement d’Abdou
Diouf. J’apprends que le hasard a
voulu que le Major soit en ce moment à Bujumbura. Certains croient savoir que
ce serait lui qui aurait convaincu Niyoyankana à renoncer aux promesses du
CNDD-FDD. D’autres encore estiment que ce séjour n’est pas gratuit. Il signifierait
que l’homme voudrait suivre les événements de plus prêt pour jouer un rôle, le
cas échéant. Moi je prends cette information au sérieux.
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